LETTRE DES AMIS-N°2


Chers Amis du Musée Mer Marine, 

25e jour de confinement et nous ignorons encore combien de temps cela durera. En ce temps suspendu, les initiatives sont nombreuses qui essaient de réinventer la vie différemment. 

Le musée est bien entendu fermé mais ses équipes sont toujours à l’oeuvre pour préparer les futures expositions mais aussi faire revivre celles qui ont jalonné son beau parcours depuis son ouverture. 

C’est ainsi que vous pouvez lire un très bel « article-expo » consacré à la naissance de la Marine Royale Française. 

Par ailleurs, nous souhaitons partager avec vous nos coups de coeur sous diverses rubriques que vous pourrez consulter au gré de vos envies. 

Vos idées, vos propositions,vos remarques sont les bienvenues. 

Prenez soin de vous 

Très cordialement, 

Élisabeth Vigné 

LE MOT DU FONDATEUR DU MUSEE MER MARINE 

Le 8 février dernier, l’AMMM présentait son projet devant un public venu nombreux dans le bel auditorium du Musée Mer Marine. 

Norbert FRADIN , fondateur du musée nous y accueillait chaleureusement. 

Vous pourrez içi retrouver ce qu’il disait au micro de bordeaux.tv 

LA POESIE ET LA MER 

Brise marine 

La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.

Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres

D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !

Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux

Ne retiendra ce coeur qui dans la mer se trempe Ô nuits !

ni la clarté déserte de ma lampe

Sur le vide papier que la blancheur défend

Et ni la jeune femme allaitant son enfant.

Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,

Lève l’ancre pour une exotique nature !

Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,

Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !

Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,

Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages Perdus,

sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …

Mais, ô mon coeur, entends le chant des matelots ! 

Stéphane Mallarmé (1842-1898), OEuvres Poétiques 

DES DIEUX ET DES HOMMES. MYTHES ET MYTHOLOGIES DE LA MER 

Chaque semaine, les amis du MMM vous invitent à découvrir les divinités et légendes de la Mer. CHALCHIUHTLICUE  Chalchiutlicue est un nom nahuatl signifiant « celle qui porte une jupe de jade ».  Divinité de la mythologie aztèque, elle est l’épouse de Tlaloc et ensemble, ils règnent sur le Tlalocan. Sous sa forme aquatique, elle est nommée Acuecucyticihuati, déesse des océans, des rivières et des autres formes de cours d’eau, ainsi que protectrice des femmes en travail.  Elle pouvait faire apparaître les ouragans et les tourbillons de vent et causer la mort par noyade.  Elle est la patronne des pêcheurs du Golfe du Mexique 

LA LITTERATURE ET LA MER 

Chaque jour, nous vous proposons, sur notre compte twitter, #UnJourUnLivre, pour vous évader par la lecture. Retrouvez ici quelques-unes de nos suggestions. 

– Le 26 mars, Olivier Chaline, La Mer et la France 

– Le 27 mars, Pierre Finot, La Mer Vénitienne 

– Le 28 mars, Patrick Villiers, Jean Bart 

– Le 31 mars, Hergé, Le Secret de la Licorne 

– Le 1 avril, Albert Jauze, Vivre à l’île Bourbon au XVIIIe siècle 

– Le 2 avril, Yann Queffelec, Le Dictionnaire amoureux de la Mer https://twitter.com/AmmmBordeaux/status/1245744430784696321 

LA MUSIQUE ET LA MER 

La mer a toujours inspiré les musiciens. 

Ici, nous vous faisons découvrir un talentueux saxophoniste, Martin TRILLAUD, jeune diplômé du conservatoire Supérieur de musique de Paris qui improvise dans le parcours du Musée. 

En cliquant sur les liens ci dessous vous découvrirez aussi les différents clips tournés Villa 88. 

SOUVENIR SOUVENIR, LA VIDÉO DU JOUR 

Le samedi 16 mars 2013 était inauguré le pont Chaban Delmas. Retrouvez grâce à Bernard Gaillard ce moment d’exception 

BALADE EN PEINTURE : LES QUAIS DE RIVE GAUCHE VUS PAR RENÉE SEILHEAN EN 1942 

En ces temps de confinement, nous sommes nombreux à être frustrés de ne pas pouvoir déambuler le long des rives de la Garonne sur les quais du port de la lune. C’est pourquoi nous vous proposerons quelques visions qu’ont eues de cette magnifique rade des peintres régionaux, ou qui ont séjourné dans notre région pour y peindre entre 1850 et 1950. 

Cette semaine nous proposons un tableau de Renée SEILHEAN. Cette bordelaise, née le 18 mars 1897, fut élève de François-Maurice ROGANEAU, à l’école des Beaux-Arts de Bordeaux où elle eut plus tard un atelier. Elle voyagea beaucoup en Italie (fréquents séjours à Venise), Espagne et Portugal. Elle rapporta de nombreux dessins à l’encre et des gouaches de ses voyages, mais fut également inspirée par le port de Bordeaux et sa région (Bassin d’Arcachon, Pyrénées, Pays Basque…). Elle est morte le 20 juin 1990 à Cadaujac après avoir vécu la plus grande partie sa vie au numéro 88 du cours de la Martinique 

Ce tableau offre une belle perspective vers l’aval de la rive gauche depuis le Quai de la Douane. 

Réalisé à la demande d’une parente du peintre pour décorer les boiseries du salon de son bel immeuble de la rue Tourat, dans le quartier des Chartrons, ce tableau présente de nombreux points d’intérêt. 

Au premier plan on remarque un voilier de trois mâts comme l’étaient majoritairement les très nombreux terre-neuvas qui ont longtemps fréquenté le port de Bordeaux pour y décharger le produit de leur pêche. Comme en attestent de nombreuses cartes postales de l’entre-deux guerres, ces morutiers étaient mouillés sur rade à proximité du pont de pierre, pour être au plus près des sécheries de morues de Bègles. Les héritiers de la propriétaire de ce tableau nous ont rapporté avoir entendu leur mère dire que le peintre avait immortalisé la présence à Bordeaux du dernier morutier à voile. Ce tableau est daté de 1942. Ces mêmes héritiers nous ont également dit qu’il était possible que Renée SEILHAN ait fait appel à son ami Jean-Théodore DUPAS, peintre, décorateur et affichiste, pour réaliser des personnages du tableau. Pourtant elle n’a pas peint que les nombreux paysages que lui inspiraient ses multiples voyages en Italie, Espagne et Portugal. Elle a aussi été remarquée pour sa peinture de portraits et de silhouettes féminines. Il est vrai que ces oeuvres sont un peu éloignées de scènes de l’activité portuaire. 

On remarque encore, toujours au premier plan, deux gabares, l’une accostée et l’autre à couple. Ces embarcations étaient autrefois utilisées pour les transports de fret entre Bordeaux, les ports de l’estuaire et ceux de la Garonne et de la Dordogne. Sur l’une d’elles, on voit une femme et un enfant. Peut-être ont-ils profité de l’escale au port pour venir embrasser le chef de famille tenu trop souvent éloigné des siens pour exercer son métier de transporteur fluvial. 

Tout en bas du tableau un marin travaille dans sa barque. Peut-être fait-il la navette entre le quai et l’allège à couple du morutier pour approvisionner en poissons séchés et salés la portanière (sur le quai au premier plan) qui est équipée d’un grand panier d’osier et discute avec un homme qui lui-même semble porter une caisse à outils ou un sac en bandoulière. 

Le coup de pinceau pour représenter ce marin fait penser au style Art déco dont Dupas fut une figure emblématique. 

Sur le quai (au-dessus du couple) on remarque un groupe de trois personnes de couleur, d’origine africaine ou antillaise. Sont-elles venues humer les senteurs dégagées par les marchandises exotiques déchargées en provenance de ces destinations lointaines, épices, fruits, rhum etc. ? (Elles sont à proximité du hangar sous-terrain qui abritait des cuves où était stocké le rhum importé par des négociants bordelais). Ou bien sont-ils en attente d’un embarquement ou au contraire de l’arrivée de parents en provenance du pays natal, comme pourrait le suggérer la tenue endimanchée de la femme ? Le port de Bordeaux qui était desservi par de très nombreuses lignes assurant la liaison avec l’outre-mer comptait d’importantes communautés issues de ces lointains territoires et les quais étaient fréquentés par nombre de leurs représentants. 

En portant son regard vers le lointain on remarque que le port est en pleine activité. Les nombreux bateaux accostés en rive gauche sont en cours de chargement ou déchargement et l’on voit que toutes les grues sont en service. 

Nous sommes à la veille de l’invasion de la zone dite libre par les Allemands, comme en atteste la présence des pylônes de l’ex-futur pont transbordeur. Celui de la rive droite est visible entre les mâts du morutier, tandis que celui de la rive gauche se confond presque avec le mât de la gabare à quai. La première pierre de ce pont a été posée par le Président Armand Fallières le 19 septembre 1910. Situé au droit du cours du Médoc, cet ouvrage était alors considéré comme devant être le plus grand du monde. Mais, en 1914 la guerre interrompt sa construction alors que seuls les deux pylônes hauts de 95 m sont achevés. En 1938, faute de financement, le maire de Bordeaux, Adrien MARQUET, abandonne le projet et le 18 août 1942, pour récupérer l’acier et empêcher que ces pylônes ne servent de repères aux bombardiers alliés, les Allemands dynamitent le pylône de la rive gauche et découpent l’autre au chalumeau. Le tableau étant daté de 1942, la scène se situe donc avant le 18 août. 

Et c’est le 11 novembre 1942 que les Allemands, à la suite du débarquement allié en Afrique du nord, envahissent la zone sud. 

Ce tableau est lumineux, vif, et le peintre a su faire partager l’impression d’agitation qui caractérisait l’activité portuaire d’alors. Il est le témoignage d’un instant unique de l’histoire millénaire de ce port qui marque une page qui se tourne : le dernier morutier à voile et la dernière image d’un grand projet de franchissement de ce grand fleuve. Déjà dépassé par l’évolution des moyens de transports cet ouvrage, s’il n’avait pas été détruit, serait devenu une pièce de musée avant même d’avoir été utile. 

Ce tableau est une huile sur contreplaqué qui mesure 146 cm X 200 cm. Il a été peint sur mesure et à la demande d’une famille bordelaise apparentée à Renée Seilhean pour décorer une pièce de son appartement. 

Merci,