The French Royal Navy

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« La première chose qu’il faut faire est de se rendre puissant sur la mer, qui donne entrée à tous les États du monde ». 


Ce sont là les mots du Cardinal de Richelieu qui, dans la première moitié du XVIIe siècle, s’emploie à constituer la première véritable marine de guerre française.


Auparavant, les conditions ne sont pas réellement réunies. Le budget, l’administration, les navires spécialisés et les équipages ne parviennent pas à exister de manière pérenne, et la France accuse un certain retard par rapport à d’autres grandes puissances européennes. La marine hollandaise a connu un essor sans précédent, incitant l’Angleterre, également menacée par l’Espagne, à constituer une importante flotte de guerre spécialisée. Désireuse par ailleurs de pacifier les mers sillonnées par les pirates, et de protéger le commerce et ses immenses enjeux financiers, l’Angleterre aspire à dominer l’économie maritime mondiale. 


Ayant pris en main le littoral et l’ensemble des pouvoirs maritimes traditionnels, le cardinal de Richelieu dote la France de quelques galères, mais surtout de plusieurs dizaines de vaisseaux ; car au-delà du jeu politique des puissances de l’ouest de l’Europe, c’est l’évolution des techniques qui anime le développement de cette première marine de guerre. Dans une course à l’armement naval qui est d’abord affaire de technologie, le galion du XVIe siècle est progressivement oublié au profit du vaisseau de ligne, un navire de guerre à trois mâts comprenant deux ou trois ponts munis de batteries de canons.


C’est dans le contexte du siège de La Rochelle – bastion protestant soutenu par les Anglais et considéré comme une menace par le roi de France Louis XIII -, que la supériorité des escadres de voiliers va assoir l’avènement des vaisseaux de ligne, et que cette première marine de guerre française va pouvoir s’illustrer. 


Prélude à la reprise de La Rochelle, le siège de l’Île de Ré permet de chasser les soutiens anglais, qui espéraient étouffer dans le berceau cette jeune marine française. Cette reproduction d’une gravure de Jacques Callot, commandée au graveur par la mère de Louis XIII, Marie de Médicis, montre le siège de l’Île de Ré, point stratégique essentiel dans l’entreprise de soumission de la ville protestante de La Rochelle. 

Le siège de l’île de Ré, reproduction d’une gravure de Jacques Callot de 1628, collection Musée Mer Marine


Plusieurs phases du siège sont relatées sur cette composition, qui déroule la narration dans la perspective. Au premier plan à gauche apparaissent à cheval le roi Louis XIII et son frère Gaston d’Orléans, présentés comme les meneurs et les grands vainqueurs de cette épopée guerrière.


Se déploient ensuite tous les vaisseaux de la flotte française, dont il s’agit de montrer la puissance militaire. Le Cardinal de Richelieu est le grand oublié de cette composition, sans doute à cause de la haine que lui vouait Marie de Médicis, commanditaire de l’oeuvre.


Tirée en de nombreux exemplaires, cette gravure sera envoyée dans les cours et les ambassades  du monde pour glorifier la monarchie française.


Si cette jeune marine s’illustre dans divers affrontements contre les Anglais et les Espagnols, tout en étant le moteur d’une première expansion coloniale française, elle ne survit pas au cardinal de Richelieu. L’embryon de 18 vaisseaux restant en 1660 est repris par celui qui deviendra l’un des hommes les plus influents de France sous Louis XIV : Jean-Baptiste Colbert.

Buste de Colbert


Poursuivant l’oeuvre de Richelieu, Colbert lance un vaste plan d’aménagement d’arsenaux, ces lieux dédiés à la fabrication, l’armement et l’entretien des navires. Il reprend notamment le travail du cardinal dans le port de Toulon, qui s’est affirmé comme arsenal militaire dans la première moitié du XVIIe siècle. Cet embryon va prendre la dimension nécessaire aux ambitions de Louis XIV en Méditerranée sous l’impulsion de Colbert, et devenir l’une des places majeures de la marine royale française. 


Ce paravent à six feuilles peint par Joseph Michel, dit Michel de Toulon, montre le calfatage des bateaux dans le port de Toulon au XVIIIe siècle.

Calfatage des bateaux dans le port de Toulon, paravent peint par Michel de Toulon, XVIIIe siècle, collection Musée Mer Marine

Calfatage des bateaux dans le port de Toulon, paravent peint par Michel de Toulon, XVIIIe siècle, collection Musée Mer Marine


Également à l’origine de la création de l’important arsenal de Rochefort et de l’agrandissement de celui de Brest, Colbert nationalise la construction navale et fait des arsenaux les places fortes d’un extraordinaire savoir-faire, qu’il s’agit de maintenir à l’abri des tentatives d’espionnage des nations rivales. Ces espaces clos accueillent un grand foisonnement d’hommes et de métiers liés aux différents matériaux et techniques mobilisés dans le cadre de la confection des navires royaux. La Grande Réformation des forêts royales fournit le bois nécessaire à la construction de ces immenses bâtiments flottants, dont un seul peut nécessiter l’abattage de plus de 2000 chênes centenaires. Et l’institution du service des classes, unique en Europe, fournit les effectifs de marins requis pour les manoeuvrer. 


S’agissant des ambassadeurs de la puissance de Louis XIV sur les mers, les vaisseaux doivent par ailleurs être revêtus de leurs plus beaux atours. 


Dans un décret de 1678, Colbert déclare que

« l’intention du roi est qu’il soit fait, en chaque arsenal, des modèles en petit d’un vaisseau (…) et il faudra que ces modèles soient faits avec autant d’exactitude et de justesse qu’ils servent perpétuellement pour les mesures et les proportions à tous les vaisseaux qui seront construits dans l’avenir ».


C’est ainsi que sont réalisées de nombreuses maquettes d’arsenal, qui permettent de standardiser les modèles de vaisseaux, mais aussi d’étudier des projets de décors. Afin de magnifier la flotte du Roi-Soleil, les plus grands sculpteurs du temps sont mobilisés au sein des arsenaux royaux pour décorer les proues et les châteaux arrières des vaisseaux.


Cette maquette d’arsenal réalisée vers 1779 propose une ébauche de décor sur le thème de la déesse antique Cérès.

Maquette d’arsenal dite Cérès, v. 1779, collection musée mer marine


Sur l’ébauche élaborée d’une coque, ce type de maquette permet de présenter les projets de décoration aux autorités maritimes, voire même au roi, afin qu’ils donnent ou non leur aval en vue de la construction d’un véritable navire.


Ces projets peuvent également être soumis sous la forme de dessins préparatoires.

Projet d’éperon, Dessin d’arsenal, XVIIIe Siècle, collection Musée Mer Marine



Projet de décor de château arrière, Dessin d’arsenal, XVIIIe Siècle, collection Musée Mer Marine


L’un des plus beaux accomplissements des arsenaux royaux français est sans conteste le Soleil Royal, navire ainsi nommé en référence au Roi-Soleil. 


Cette maquette montre la richesse des décors réalisés par Antoine Coysevox et Pierre Puget, célébrés parmi les plus grands sculpteurs de leur temps.

Le Soleil Royal (château arrière), maquette à l’échelle 1/30, collection Musée Mer Marine


Lancé en décembre 1669, le Soleil Royal illustre l’âge d’or de la Marine Royale de Louis XIV, que l’on peut considérer comme la première flotte européenne de 1670 à 1708, avec une stabilisation autour de 120 vaisseaux. Le Soleil Royal est notamment vainqueur  des flottes anglaises et hollandaises lors de la bataille de Béveziers, sous le commandement de l’amiral de Tourville. Sa disparition lors de la défaite de La Hougue en 1692 marque un premier revers pour cette puissante flotte qui, malgré quelques grands succès économiques à la fin du XVIIe siècle, va progressivement décliner après 1708 tandis que la situation financière du royaume nécessite l’arrêt de la construction de nouveaux vaisseaux. 


Mais celle que l’on surnommera la « Royale » est née, et le secrétariat d’État de la Marine, voulu par Colbert et comportant la Marine de guerre, le commerce et les colonies, perdurera presque tout au long du XVIIIe siècle avant de devenir un ministère.