Samedi 04/05 17h

En 1883, lorsqu’il publie Treasure Island, Stevenson investit le roman d’Aventure, qui est alors un «mauvais genre», un genre mineur dévitalisé par une trame narrative stéréotypée usée jusqu’à la corde et compromis par l’idéologie coloniale, pour en faire le site improbable d’un renouveau formel. L’aventure accueille ainsi outre-Manche la modernité littéraire, contre le réalisme à la française. Jim Hawkins, jeune narrateur, tient à la première personne la barre d’un récit inédit, qui vient contredire point à point les positions réalistes qui dominent alors la scène littéraire, et l’aventure devient le laboratoire formel d’un texte nouveau.
La mer y est bien plus qu’un décor ou qu’un paysage : elle est mise au travail comme une métaphore et le texte lui emprunte ses caractéristiques formelles – l’horizontalité plutôt que la verticalité, la surface plutôt que la profondeur, le parcours libre plutôt que les chemins balisés. Les romans maritimes de Stevenson sont donc, comme ceux de Conrad, «des bateaux de papier», dont le style s’efforce d’imiter la mer, des cartes à parcourir en tous sens.